Hypoadrénocorticisme (maladie d'Addison)

L’hypoadrénocorticisme, autrement appelé maladie d’Addison, est une maladie hormonale qui atteint les glandes surrénales. Celles-ci sont situées tout juste devant les reins et sont responsables de la sécrétion de cortisone et d’aldostérone (hormone impliquée dans la réabsorption et l’excrétion des électrolytes et de l’eau par les reins). On parle d’hypoadrénocorticisme primaire lorsque le problème origine des glandes surrénales. La production des deux types d’hormones s’en trouve affectée. Lorsque le problème origine de l’hypophyse (glande située dans le cerveau), on parle plutôt d’hypoadrénocorticisme secondaire. Dans ce cas, c’est la production d’ACTH par cette glande qui est diminuée, ce qui entraîne l’atrophie (diminution de taille), par manque de stimulation, des portions des surrénales responsables de la production de cortisone. Par contre, les zones impliquées dans la production d’aldostérone ne sont pratiquement pas affectées par la baisse d’ACTH. 

La maladie d’Addison affecte surtout les chiennes jeunes ou d’âge moyen. Les races prédisposées incluent les Grands Danois, les Caniches de toutes tailles ainsi que les West Highland White Terriers. Les prédispositions familiales se retrouvent chez les Chiens d’eaux Portuguais, les Labrador Retrievers et les Bearded Collies. Les chats sont très rarement atteints de cette maladie.

Signes cliniques

En général, la chienne affectée sera présentée au vétérinaire parce qu’elle souffre, depuis des semaines voire des mois, de symptômes vagues pouvant être confondus avec une multitude de maladies différentes. Ces symptômes ont souvent tendance à empirer lors de situations stressantes telles que lors d’un voyage ou d’une pension dans un chenil par exemple. Le propriétaire aura remarqué une perte d’appétit, de la léthargie, des vomissements et de la diarrhée avec ou sans présence de sang frais (rouge) ou digéré (noir) ainsi qu’une perte de poids. Dans environ 17% des cas, il y aura des tremblements ainsi qu’une augmentation de la production d’urine et de la consommation d’eau. Chez les chats, on observe surtout de la léthargie ainsi qu’une perte d’appétit et une perte de poids. Les vomissements ainsi que l’augmentation de la production d’urine et de la consommation d’eau sont plutôt rares. 

Bien que l’histoire rapportée implique le plus souvent des signes intermittents chroniques d’atteinte du tractus gastrointestinal, le chien peut aussi souffrir de ce qu’on appelle une crise addisonnienne, caractérisée par un épisode aigu de diarrhée et de vomissements accompagnés d’une perte d’appétit et d’un choc sévère. Il peut y avoir eu un collapse récent ainsi qu’une hémorragie profuse provenant du tractus digestif. 

Lors de l’examen physique effectué par le vétérinaire, celui-ci peut observer, en plus des symptômes rapportés, de la dépression, de la faiblesse, une baisse de température corporelle ainsi que de la déshydratation. Dans 22% des cas, la fréquence cardiaque est ralentie. L’animal peut aussi être présenté suite à un collapse ou encore souffrir de convulsions à cause de la baisse de son niveau de sucre sanguin. À l’opposé, l’examen physique peut aussi être complètement normal. Dans ce cas, le diagnostique n’est souvent soupçonné que suite à l’analyse des résultats obtenus aux tests sanguins ainsi que suite à l’observation de certaines anomalies radiographiques. 

Les symptômes ainsi que les anomalies des paramètres de laboratoire que l’on rencontre lors d’hypoadrénocorticisme sont dus à l’absence de l’activité normale des glucocorticoïdes (cortisone) et des minéralocorticoïdes (aldostérone) produits par les surrénales. 

C’est la déficience en cortisone qui est responsable du malaise et de la léthargie ressentis par l’animal ainsi que des signes gastrointestinaux. Étant donné que la cortisone stimule la production de glucose par le foie, sa déficience va entraîner la baisse du niveau de ce sucre dans le sang. Cependant, cette hypoglycémie n’est pas toujours assez sévère pour entraîner des convulsions. Les tests sanguins peuvent révéler la présence d’anémie (diminution du nombre de globules rouges dans le sang) lorsqu’il y a déficience dans la production de cortisone. Ceci est dû au fait que celle-ci joue un rôle dans la stimulation de la moelle osseuse à produire des globules rouges. De plus, l’animal perd des globules rouges au niveau du tractus digestif lorsqu’il y a hémorragie digestive, ce qui contribue aussi à causer de l’anémie. D’autre part, lorsqu’un animal est malade ou stressé mais que ses surrénales fonctionnent normalement, on s’attend à voir, dans la formule sanguine, des changements spécifiques dans le niveau de certains globules blancs (cellules du système immunitaire) dus au niveau élevé de cortisone. Dans le cas d’hypoadrénocorticisme, ces changements peuvent ne pas être présents. 

Dans environ 30% des cas, on observe une augmentation du niveau de calcium sanguin mais qui est rarement associée à des symptômes. On ne connaît pas la cause exacte de ce changement mais plusieurs hypothèses ont été émises. Premièrement, la cortisone favorise l’excrétion rénale du calcium donc lorsqu’il y a moins de cortisone dans le sang, le calcium est moins éliminé de l’organisme. Un autre mécanisme proposé est que l’augmentation de la concentration du sang lors d’hypoadrénocorticisme entraîne l’augmentation de la concentration des protéines sanguines et par conséquent du calcium également puisque celui-ci est lié aux protéines dans le sang. Finalement, en temps normal, la cortisone inhibe la vitamine D qui est responsable de l’absorption intestinale de calcium. En présence d’une baisse de cortisone dans le sang, cette inhibition est levée, ce qui pourrait entraîner une augmentation de l’absorption intestinale de calcium. 

Il est fréquent également d’observer une baisse du niveau d’albumine (protéine principale du sang) chez les patients atteints d’hypoadrénocorticisme qui pourrait être causée par la perte de sang dans le tractus digestif, par de la malabsorption ou encore par une diminution de la production d’albumine. 

À cause de la diminution de la perfusion des reins suite à l’hypotension qui se développe typiquement chez les patients affectés, les paramètres rénaux sont souvent augmentés dans le sang, bien que cette élévation puisse aussi être causée ou empirée par les saignements gastrointestinaux. Lorsque ceci est accompagné d’une incapacité des reins à concentrer l’urine adéquatement, il est fréquent de diagnostiquer initialement, à tort, une insuffisance rénale aigue. 

En ce qui concerne l’aldostérone, son rôle principal consiste à promouvoir l’absorption du sodium et de l’eau tout en favorisant l’excrétion de potassium et des ions hydrogènes par les reins. En cas de déficience en aldostérone, l’absorption de l’eau et du sodium ainsi que l’excrétion du potassium et des acides s’en trouvent diminuées. La diminution du sodium et de l’eau dans le sang va entraîner une baisse du volume sanguin, une baisse de pression artérielle ainsi qu’une diminution du débit cardiaque avec diminution de la perfusion des organes dont les reins. Voilà pourquoi il y aura de la faiblesse, de l’acidose métabolique, une diminution de la grosseur du cœur, de la dépression, une diminution de la capacité des reins à concentrer l’urine ainsi qu’une augmentation de la production d’urine et de la consommation d’eau. Étant donné que le potassium est moins excrété par les reins lors d’hypoadrénocorticisme, son niveau va augmenter dans le sang ce qui est dangereux pour le cœur. Il est important de savoir que ces changements électrolytiques typiques ne sont pas toujours présents sur la formule sanguine. En effet, leurs niveaux peuvent être tout à fait normaux. 

La cause la plus commune d’hypoadrénocorticisme primaire est la destruction des glandes surrénales par le système immunitaire ou de cause inconnue. D’autres causes moins fréquentes de destruction des glandes surrénales incluent les maladies fongiques (champignons), l’infarction (blocage des artères nourrissant les surrénales), un cancer, de l’amyloïdose (dépôt anormal d’une protéine appelée amyloïde dans les surrénales) ainsi que certaines drogues utilisées dans le traitement de l’hyperadrénocorticisme. 

L’hypoadrénocorticisme secondaire peut survenir de façon spontanée ou encore être causé par l’administration de médicaments. Avec la première forme, très rare, il se produit une destruction de certaines régions de l’hypothalamus ou de l’hypophyse d’où sont sécrétées les hormones responsables de la stimulation des glandes surrénales à principalement produire de la cortisone. Lorsqu’un animal est traité avec de la cortisone pendant une période prolongée, celle-ci cause la suppression de la production d’ACTH par l’hypophyse. Il s’ensuit une diminution de la taille des surrénales et si l’arrêt du traitement de cortisone est fait de façon brusque alors ces glandes ne sont plus aptes à produire leurs hormones parce qu’elles n’auront pas eu le temps de s’adapter.

Diagnostic

Le diagnostique de la maladie peut être soupçonné suite à l’histoire rapportée par le propriétaire, les symptômes démontrés par l’animal, les changements observés aux tests de laboratoire (tels que mentionnés plus haut) et à l’électrocardiogramme (suite à l’augmentation du niveau de potassium sanguin) ainsi qu’à l’évaluation des radiographies thoraciques et abdominales qui sont souvent utiles pour éliminer les autres maladies pouvant causer des symptômes similaires. Avec l’hypoadrénocorticisme, on observe fréquemment une diminution de la grosseur du cœur et du foie à cause de la diminution du volume sanguin. De plus, il est parfois possible d’observer un mégaoesophage (augmentation de la taille de l’œsophage). 

Le diagnostique définitif est obtenu en exécutant un test de stimulation à l’ACTH, qui évalue la capacité des glandes surrénales à produire de la cortisone. Il s’agit de mesurer le niveau de base de cortisone puis de faire une deuxième mesure, une à deux heures après l’injection d’ACTH. Les animaux souffrant d’hypoadrénocorticisme vont avoir un niveau de base de cortisone faible qui n’augmentera pas suite à l’injection d’ACTH parce que leurs surrénales ne contiennent pas assez de tissu fonctionnel pour produire de la cortisone suite à une stimulation maximale. Une fois le diagnostique confirmé, il est possible de distinguer entre l’hypoadrénocorticisme primaire et secondaire en mesurant la concentration sanguine d’ACTH, qui est augmentée lorsque le problème est primaire et diminuée lorsque le problème est secondaire.

Traitement

Lorsque le patient est présenté en crise addisonnienne, la première étape du traitement visera à corriger la baisse du volume sanguin afin de rétablir une bonne perfusion des organes, en administrant des solutés intraveineux. Ceci permettra par le fait même de corriger les débalancements électrolytiques (en particulier l’augmentation du potassium), la déshydratation, la baisse du niveau de sucre (si nécessaire) ainsi que l’acidose métabolique. De plus, il faudra administrer des glucocorticoïdes (cortisone) afin de prévenir et traiter la déshydratation ainsi que le choc pouvant survenir suite à la déficience en cortisone naturelle. Pour ce faire, on utilisera des préparations qui agissent rapidement mais qui n’interfèrent pas avec le test de stimulation à l’ACTH. Il n’est habituellement pas nécessaire de supplémenter l’animal en minéralocorticoïdes parce que les solutés et les glucocorticoïdes administrés agressivement sont généralement suffisants pour stabiliser les changements électrolytiques. Si besoin, des traitements dits symptomatiques pourront aussi être institués. Par exemple, un animal qui perd beaucoup de sang par son tube digestif pourra peut-être bénéficier d’une transfusion sanguine ainsi que de protecteurs de muqueuse intestinale et d’antibiotiques s’il y a présence d’ulcération. 

Suite à l’initiation du traitement, le patient devra être observé attentivement. On évaluera ses paramètres cardiovasculaires ainsi que ses électrolytes très fréquemment au début puis un peu moins souvent lorsqu’il sera stabilisé et que son potassium sera descendu à un niveau n’étant pas dangereux pour sa vie. La réponse au traitement est rapide et survient dans les quelques premières heures du début de l’administration des solutés et des glucocorticoïdes. Étant donné que l’on commence souvent le traitement avant d’avoir la confirmation du diagnostique, observer une amélioration aussi rapide des symptômes et des paramètres de laboratoire est très suggestive de la condition parce que les maladies des reins, du foie ou du tube digestif ne s’améliorent habituellement pas aussi rapidement et drastiquement que lors d’hypoadrénocorticisme. Par la suite, les solutés intraveineux seront maintenus tant que l’animal restera déshydraté et qu’il perdra des liquides corporels. Lorsqu’il lui sera possible d’avaler, de la nourriture et de l’eau pourront lui être offerts et les injections de glucocorticoïdes pourront être remplacées par de la cortisone administrée par voie orale. 

Une fois la période critique passée, l’animal aura besoin de recevoir un traitement durant toute sa vie. Lors d’hypoadrénocorticisme primaire, des suppléments de minéralocorticoïdes et de glucocorticoïdes seront nécessaires.

Les deux minéralocorticoïdes les plus utilisés sont le DOCP et le Fludrocortisone acetate. Dans le premier cas, il s’agit d’une injection donnée à chaque 25 jours par voie intramusculaire ou sous-cutanée. Entre 12 et 15 jours plus tard, le niveau des électrolytes devra être mesuré afin d’évaluer l’effet maximal du médicament. On se fiera à ces valeurs pour ajuster les doses subséquentes. Les électrolytes devront être mesurés de nouveau 25 jours après le début du traitement mais cette fois-ci afin d’évaluer la durée d’efficacité du médicament. Les valeurs obtenues serviront à ajuster les intervalles de traitements. Il sera important pour le propriétaire de surveiller attentivement son animal à la maison parce qu’il est possible qu’une autre crise survienne si la durée d’action du médicament est plus courte qu’anticipée chez cet animal. Un traitement de cortisone devra aussi être administré à dose décroissante afin de trouver la plus petite dose efficace, c’est-à-dire qui contrôlera les symptômes. Les effets secondaires les plus fréquents sont une augmentation de la consommation d’eau et de la production d’urine.
 
Le deuxième médicament, le Fludrocortisone acetate, se donne par la bouche, deux fois par jour. Les électrolytes devront aussi être analysés fréquemment afin de trouver la dose optimale. La dose a souvent besoin d’être augmentée pendant les 6 à 12 premiers mois de traitement mais généralement se stabilise par la suite. Étant donné que ce produit a aussi une certaine activité glucocorticoïde, seulement un chien sur deux nécessite en plus un supplément de cortisone. Les effets secondaires les plus fréquents sont les mêmes qu’avec l’autre traitement. 

Même lorsque la maladie est bien contrôlée grâce à l’un ou l’autre des médicaments, les chiens ont généralement besoin que la dose de cortisone soit augmentée ou ajoutée au traitement, lors de périodes stressantes telles qu’un séjour en pension, l’arrivée d’un nouvel animal ou d’un nouveau bébé dans la maison ou encore, une hospitalisation pour une chirurgie ou une autre maladie. Les symptômes indiquant qu’une telle intervention est nécessaire sont une perte d’appétit, des vomissements ou de la diarrhée intermittents, une perte de poids ainsi que de la léthargie.
 
Lorsque l’hypoadrénocorticisme est secondaire ou atypique, l’animal n’a besoin qu’un supplément de cortisone parce qu’il ne souffre pas d’une déficience en minéralocorticoïdes. Cependant, plusieurs animaux en nécessiteront éventuellement, que ce soit quelques jours à quelques années après que le diagnostique ait été établi. Il sera donc très important pour le propriétaire de surveiller attentivement son animal et de faire mesurer ses électrolytes périodiquement. 

Dre Isabelle Lacombe M.V. 

RÉFÉRENCES : 
Tyler, J. et Lathan, P. Canine Hypoadrenocorticism : Pathogenesis and Clinical Features. Compendium on Continuing Education for the Practicing Veterinarian. Février, 2005. 
Tyler, J. et Lathan, P. Canine Hypoadrenocorticism : Diagnosis and Treatment. Compendium on Continuing Education for the Practicing Veterinarian. Février, 2005. 
Bassett, C.L.M. Hypoadrenocorticism dans Clinical Veterinary Advisor Dogs and Cats. Mosby Elsevier. 2007. p. 561-564.