Lipidose hépatique

Zones où l’on peut observer si le chat est ictérique (jaunisse).

Qu’est-ce qu’une lipidose hépatique? C’est une condition qui affecte le foie des chats (ceux qui sont obèses en sont particulièrement affectés) et qui survient lorsque l’animal arrête de manger pour une raison quelconque. Il n’y a alors plus de source d’énergie disponible pour les cellules de l’organisme. Celui-ci se met alors à métaboliser les tissus graisseux qui devront être transformés au niveau du foie afin d’être utilisables comme source d’énergie. Lorsque la demande est trop grande, le foie ne peut pas y répondre. Il devient alors gorgé de gras et arrête de fonctionner partiellement ou complètement. Il ne parvient donc plus à désintoxiquer l’organisme et, par conséquent, les déchets métaboliques s’accumulent dans le sang et le rendent malade. Le chat a alors de moins en moins d’appétit, il maigrit, vomit peut-être, est abattu et déshydraté. Ces déchets peuvent même affecter le système nerveux et entraîner des symptômes neurologiques avec parfois salivation abondante. De plus, des pigments de bilirubine s’accumulent aussi dans le sang et causent l’apparition d’ictère (jaunisse). La peau, l’intérieur de la gueule, les oreilles et le blanc des yeux prennent alors une teinte jaunâtre. Dans les cas sévères, il peut même y avoir accumulation de liquide dans l’abdomen (ascite) avec distension de celui-ci ainsi que des problèmes de coagulation avec des saignements spontanés. Si la condition n’est pas traitée, l’animal peut dépérir au point d’en décéder. 

Il peut arriver que la maladie apparaisse sans qu’il y ait de raison médicale sous-jacente, mais plus fréquemment, elle survient suite à un problème ayant provoqué l’anorexie du chat. Les causes générales impliquées sont les suivantes : problème hépatique (tumeur, inflammation, infection, pierres dans la vésicule biliaire), maladies affectant le petit intestin (obstruction, tumeur, infiltration des parois intestinales par des cellules inflammatoires), pancréatite, maladies des voies urinaires (insuffisance rénale, infection), maladies neurologiques, maladies infectieuses (péritonite infectieuse féline, virus de leucémie et sida félin, toxoplasmose), hyperthyroïdisme, toxines, etc.


Comment diagnostiquer une lipidose hépatique? Les symptômes rapportés par le propriétaire ainsi que l’examen physique, surtout la présence de jaunisse et d’ascite, sont de bons indices de la maladie. 

Afin de la confirmer et de tenter de trouver une cause sous-jacente, certains tests devront être effectués; Bilan sanguin complet incluant la mesure du niveau d’hormones thyroïdiennes pour les chats âgés de 6 ans et plus, mesure des sels biliaires, analyse d’urine, test de dépistage des virus de la leucémie et du sida félin, radiographie et échographie abdominales ainsi que biopsies du foie (souvent nécessaires pour avoir le diagnostic définitif et trouver la cause sous-jacente). 

Heureusement, le foie est un organe ayant une grande capacité de régénération si la cause sous-jacente est éliminée. Le but du traitement sera donc d’éliminer cette cause si possible, d’arrêter le catabolisme des tissus graisseux, de corriger la déshydratation et les débalancements électrolytiques, d’aider le foie à se régénérer ainsi que de prévenir les infections.

Zones où l’on peut observer si le chat est ictérique (jaunisse).

C’est en fournissant une bonne alimentation que la destruction des tissus graisseux pourra être stoppée. Pour ce faire, il faudra que le chat ingère une nourriture assez riche en calories et en quantité suffisante pour rencontrer ses besoins nutritionnels. Étant donné que cela implique de le nourrir avec de relativement grandes quantités de nourriture qui pourraient finir par le dégoûter si elles sont administrées directement dans sa bouche, il vous sera sûrement conseillé de faire poser un tube dans son œsophage ou dans son estomac sous anesthésie générale. Les avantages de cette procédure sont de s’assurer que le chat reçoive la bonne quantité de nourriture à chaque repas, de pouvoir le gaver pendant de longues périodes ainsi que d’administrer les médicaments oraux par le tube. Il faudra le réalimenter de façon progressive en lui donnant plusieurs petits repas chaque jour et en lui fournissant la 1e journée 25% de ses besoins, la 2e journée 50% de ses besoins et la 3e journée 75% de ses besoins. À partir du 4e jour, on lui fournira 100% de ses besoins. S’il tolère mal la réalimentation, alors on pourra augmenter de 10% par jour au lieu de 25%. Il est important de laisser au moins 2 heures entre les repas afin de permettre à l’estomac de se vider avant le prochain gavage. Les principaux inconvénients du tube gastrique sont qu’il peut sortir de l’estomac et qu’il peut se boucher. Pour éviter que ceci ne se produise, il sera important de passer la nourriture dans le malaxeur et le tamis deux fois plutôt qu’une afin de s’assurer que la consistance de la nourriture est bien lisse et sans grumeaux ainsi que de rincer le tube avant et après chaque gavage avec 5ml d’eau tiède. Si le tube se bouche malgré ces précautions, un peu de cola versé dans le tube pourrait régler le problème. Si cela ne fonctionne pas, alors il est préférable de contacter le vétérinaire. Après une période d’environ 1 semaine, on pourra mettre à sa disposition de la nourriture et essayer de le stimuler à manger. On peut lui offrir un buffet composé de différentes sortes et textures de nourriture.

Si la pose d’un tube n’est pas une option envisageable, on peut administrer la nourriture directement dans la bouche à l’aide d’une seringue en faisant attention de ne pas étirer le cou du chat parce que la nourriture pourrait aller dans ses poumons. Les quantités et la fréquence d’administration seront les mêmes que s’il y avait un tube. Comme pour avec ce dernier, il faut attendre environ 1 semaine avant d’offrir de la nourriture au chat. À ce moment, on pourra avoir recours aux stimulants d’appétit. 

Comment procéder au gavage?

- Dans un bol, mettre une certaine quantité de nourriture. Ajouter une très petite quantité d’eau chaude afin de la diluer légèrement. Mélanger jusqu’à l’obtention d’une consistance homogène.

- Plonger la seringue dans la nourriture et retirer le piston. En plus de la nourriture, de l’air va pénétrer dans la seringue. Il est important d’évacuer cet air. Pour ce faire, il faut inverser la seringue et la cogner à quelques reprises sur la table. La nourriture va descendre et l’air va monter. Presser le piston pour faire sortir l’air. Répéter la procédure jusqu’à l’obtention de la quantité voulue.

- Pour gaver le chat, placer le bout de la seringue à la commissure de ses lèvres et insister un peu pour qu’il ouvre la bouche. À ce moment, pousser une petite quantité de nourriture en dirigeant la seringue vers le fond de sa bouche. Il faut éviter de mettre la nourriture sur le bout de sa langue parce qu’il risque de la cracher au lieu de l’avaler. Il faut le laisser avaler sa bouchée avant de lui donner le reste de la seringue (par petites quantités à la fois).

- Si le chat vomit pendant le gavage, il faut arrêter et recommencer un peu plus tard avec une plus petite quantité. S’il vomit à chaque fois (ou presque) qu’il est gavé, il faut contacter un vétérinaire. 
Pour corriger la déshydratation et les débalancements électrolytiques, on aura recours aux solutés intraveineux; pour prévenir les infections, des antibiotiques à large spectre seront utilisés; des anti-nauséeux et des anti-vomitifs serviront à enrayer l’acidité gastrique et les nausées/vomissements; de la vitamine K administrée par voie sous-cutanée jusqu’à résolution de l’ictère aidera à prévenir les saignements associés à la déficience en facteurs de coagulation; des médicaments servant à diminuer la stase dans le foie et donc les dommages à ce dernier lui permettront de se régénérer. Finalement, il faut considérer l’impact non-négligeable que la maladie exerce sur l’état psychologique du chat. En stimulant ce dernier par la marche et par le contact avec les humains, on accélèrera sa convalescence.

En ce qui concerne le pronostic, ce dernier est évalué à environ 80-85% de chance de survie lors de lipidose hépatique primaire si le traitement est agressif et inclue la pose du tube œsophagien ou gastrique, sinon il se trouve plutôt à moins de 15%. Lorsqu’une cause sous-jacente est présente, le pronostic se situe autour de 50%.

Des réévaluations périodiques à intervalles déterminés selon l’évolution du cas seront nécessaires afin de peser l’animal et de revoir sa médication et son alimentation. Des tests sanguins en cours et à la fin du traitement attesteront de la régénérescence du foie.

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BIBLIOGRAPHIE :
Tilley, LP et Smith, FWKJ. The 5-minute veterinary consult. 3e edition. Lippincott William et Wilkins 2004: 562-563.
Conférence donnée par Dre Manon Lécuyer dans le cadre d’un colloque de médecine de tous les jours de l’Académie de Médecine Vétérinaire du Québec le 10 septembre 2006.