Incontinence urinaire canine

Définition

Vous avez remarqué que votre chienne échappe parfois de l’urine au goutte-à-goutte bien qu’elle soit quand même capable d’uriner normalement. Elle souffre peut-être d’incontinence urinaire. Cette perte involontaire d’urine ne doit cependant pas être confondue avec un besoin urgent d’uriner, d’uriner la nuit ou encore d’uriner fréquemment de petites quantités à la fois. 

Le tractus urinaire est composé de quatre parties anatomiques fonctionnelles différentes. Elles consistent en les reins, les uretères, la vessie et l’urètre. L’urine est produite par les reins puis est ensuite acheminée par les uretères jusqu’à la vessie (composée d’un col étroit et d’un corps) où elle est emmagasinée jusqu’à ce que le besoin d’uriner déclenche sa contraction. L’urine est alors évacuée à l’extérieur du corps par l’urètre. (Mettre photo du tractus urinaire avec flèches pointant les reins, les uretères, la vessie avec son corps et son col, l’urètre et les sphincters interne et externe de l’urètre. Figure 1 p.592) 

C’est le système nerveux qui est responsable de la bonne coordination entre ces différentes parties. Pendant la phase de remplissage de la vessie, il entraîne la contraction de son col tout en permettant à son corps de se relaxer. Lorsque la distension de la vessie par l’urine dépasse un certain seuil, les récepteurs sensitifs localisés dans sa paroi sont alors activés et transmettent un influx nerveux jusqu’au cerveau. Lorsque le moment est venu d’uriner, celui-ci envoie un message via la moelle épinière jusqu’à la vessie où la contraction de son corps se fait en même temps que la relaxation de son col, de l’urètre et du sphincter externe de l’urètre.

Causes

Faiblesse du sphincter interne de l'urètre
Il existe plusieurs causes d’incontinence urinaire et, dépendamment de celle impliquée, les symptômes peuvent varier. La faiblesse du sphincter interne de l’urètre en est la cause la plus fréquente. Elle affecte beaucoup plus les femelles que les mâles et survient le plus souvent deux à trois ans après une ovariohystérectomie (communément appelée stérilisation), quoique le problème peut aussi débuter quelques semaines à plusieurs années après la chirurgie. Les propriétaires observent généralement que la perte d’urine se produit surtout lorsque la chienne est couchée. Le mécanisme par lequel le retrait du tractus génital cause de l’incontinence n’est pas connu. On pense qu’en éliminant la production d’oestrogènes par les ovaires, il s’ensuivrait une baisse de sensibilité du sphincter interne de l’urètre à la stimulation par le système nerveux ainsi qu’une diminution de son tonus. Il semble toutefois que le rôle des œstrogènes soit plus complexe que cela parce que 35% des chiennes affectées ne répondent pas à la supplémentation en oestrogènes et que celles chez qui on a supprimé la sécrétion d’œstrogènes avec de la progestérone ne développent pas d’incontinence urinaire. Bien que les mâles souffrent parfois de ce problème, la castration ne semble pas y être associée. 

Uretère ectopique
La présence d’uretère ectopique, une malformation congénitale (présente à la naissance) est une autre cause d’incontinence urinaire. Un ou les deux uretères se déversent directement soit dans l’urètre, soit dans le vagin ou l’utérus au lieu de se terminer au niveau du col de la vessie. Étant donné que celui-ci est court-circuité, on observe de l’urine qui s’échappe continuellement et ce, depuis la naissance de l’animal. (Mettre figure 3, p.595 Compendium août 2006). Lorsqu’un seul côté est affecté, il est quand même capable d’uriner normalement. Lorsque l’anomalie affecte les deux uretères, il se peut qu’il en soit incapable. 80% à 89% des uretères ectopiques se produisent chez les femelles et au moins un quart de ces cas impliquent les deux côtés. 

Instabilité du muscle détruseur
Il arrive également que l’incontinence soit causée par une condition que l’on appelle l'instabilité du muscle détruseur de la vessie. Au moment où l’animal ressent un besoin soudain et urgent d’uriner, la vessie se contracte involontairement. On observe alors un animal qui demande à uriner la nuit, produit fréquemment de petites quantités d’urine à la fois et est incontinent. Une telle instabilité peut être secondaire à une infection, à une tumeur ou encore à des pierres urinaires mais elle peut également n’être associée à aucune inflammation. On dit alors que l’instabilité est idiopathique. 

Malpositionnement de la vessie
Lorsque la vessie est anormalement positionnée dans le canal pelvien plutôt que dans l’abdomen, il est fréquent que l’animal souffre d’incontinence. En effet, 50% des chiens affectés sont incontinents. C’est une condition qui atteint habituellement les femelles de grande race bien qu’elle ait déjà été rapportée chez les mâles. On rapporte deux théories pouvant expliquer ce phénomène. La première suggère que parce que le col de la vessie est normalement situé dans l’abdomen, lorsqu’il y a augmentation de la pression abdominale (par exemple lors d’une toux), celle-ci est répartie à la fois sur le corps et sur le col de la vessie. Donc, même si la pression sur le corps de la vessie est augmentée, la résistance engendrée par le col de la vessie est aussi augmentée et l’animal urine normalement. Lorsque le col de la vessie est à l’extérieur de l’abdomen, la pression n’est appliquée que sur le corps et, par conséquent, il y aura écoulement d’urine. Une autre hypothèse rapportée est que la mauvaise position de la vessie fait partie d’un ensemble de malformations incluant un urètre plus court, un mauvais fonctionnement de la musculature de la vessie ainsi qu’une musculature urétrale anormale. 

Fistules urovaginales et uretrorectales
Parmi les causes peu communes d’incontinence chez les chiens, on retrouve les fistules urovaginales et uretrorectales (trajet reliant le tractus urinaire au vagin et l’urètre au rectum respectivement). La première survient suite à une stérilisation récente et ne répond pas au traitement médical.

Diagnostic

Au moment de la consultation chez le vétérinaire, celui-ci tentera d’abord d’obtenir une histoire détaillée des symptômes présentés par l’animal afin de déterminer s’il souffre réellement d’incontinence. Il procédera ensuite à un examen physique détaillé incluant un examen du système nerveux puis décidera s’il sera nécessaire d’effectuer certains tests tels que des analyses sanguines (dans le but d’éliminer la présence de maladie généralisée) ainsi qu’une analyse urinaire (pouvant révéler la présence d’une infection). 

Diagnistique d'une faiblesse du sphincter interne de l'urètre
Le diagnostique final de la condition se fait le plus souvent par essai thérapeutique, c’est-à-dire en essayant un traitement. Il est possible aussi d’obtenir un diagnostique définitif en effectuant un profil de pression urétrale qui permet de déterminer si la pression exercée par le sphincter urétral et la longueur de l’urètre sont normales. On réserve le plus souvent ce test pour les cas atypiques ou lorsque le traitement n’a pas fonctionné. 

Diagnostique d'uretère ectopique
Dans le passé, le diagnostique de la condition se faisait par l’évaluation de radiographies obtenues suite à l’injection d’une substance fluorescente mettant en évidence le tractus urinaire. Selon des études récentes, il a été démontré que l’on pouvait identifier correctement 70% à 78,2% des cas d'uretères ectopiques par cette méthode. Depuis, de nouvelles techniques se sont avérées plus fiables pour détecter le problème. La cystoscopie rigide consiste à insérer une caméra dans la vessie. Grâce à l’inspection visuelle de l’ouverture des uretères, de la paroi de la vessie, de l’urètre et du vagin, cette méthode permet d’identifier 100% des uretères ectopiques. Son utilisation est de plus en plus populaire malgré le risque faible d’identifier un uretère normal comme étant ectopique. Une autre méthode qui permet d’identifier 91% des cas est la Tomodensitométrie axiale (CT Scan). Son utilisation se limite surtout aux institutions académiques ainsi qu’aux centres de référence. À l’Hôpital Vétérinaire de l’Est, nous sommes heureux de pouvoir offrir ce service à notre clientèle. 

Diagnostique d'instabilité du muscle détruseur
Avant de conclure que l’animal souffre de cette condition, il faut éliminer toute cause sous-jacente. Après avoir effectué un examen physique et neurologique complet, il faudra avoir recours à une analyse urinaire avec culture bactérienne ainsi qu’à une échographie de la vessie. Il va sans dire que lorsqu’une cause est trouvée, il faut d’abord la traiter. Pour diagnostiquer l’instabilité du muscle détruseur idiopathique de façon définitive, il faut effectuer une cystométrographie. Ce test consiste à insérer un cathéter dans la vessie et d’y instiller une solution saline. Lorsque la vessie est normale, on peut la remplir sans trop de résistance jusqu’à ce qu’on atteigne un certain seuil. Lorsque la vessie n’est pas normale, la quantité de liquide qu’on peut y mettre avant qu’il y ait contraction involontaire est beaucoup moindre. 

Diagnostique de malpositionnement de la vessie
Le diagnostique se fait par radiographie avec milieu de contraste (colorant). 

Diagnistique des fistules urovaginales et uretrorectales
Le diagnostique se fait à l’aide de radiographies avec milieu de contraste. Les fistules uretrorectales sont soit congénitales (les bulldogs Anglais y sont possiblement génétiquement prédisposés) ou se forment suite à un traumatisme. Ces chiens présentent des infections urinaires persistantes et l’on observe de l’urine s’écouler de l’anus. Le diagnostique se fait aussi par radiographies avec milieu de contraste.

Traitement

Traitement de la faiblesse du sphincter interne de l'urètre
Le médicament le plus utilisé est la phénylpropanolamine. Grâce à l’augmentation de la fonction urétrale, on peut s’attendre à une résolution de l’incontinence dans 85% des cas et à une amélioration significative de la perte d’urine chez presque toutes les chiennes. Les effets secondaires reliés à l’utilisation de ce produit sont de l’hypertension, de la nervosité, de l’irritabilité, une augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression dans l’œil ainsi qu’une augmentation de la production de glucose par le foie. Il faut donc éviter de l’utiliser chez les patients souffrant d’hypertension, de diabète ou de glaucome. 

Lorsque la réponse au traitement est faible, on peut combiner la phénylpropanolamine avec une supplémentation en oestrogènes. Le diethylstilbestrol est un œstrogène synthétique qui a été utilisé avec succès pour le traitement de l’incontinence reliée à la stérilisation. Ses effets secondaires, bien que rares, incluent la suppression de la moelle osseuse, la perte de poils, des changements de comportements ainsi que des symptômes de chaleurs. 

L’imipramine est un autre médicament qui pourrait être utile pour les cas répondant mal aux traitements mentionnés précédemment. Toutefois, son efficacité reste encore à prouver. Son action se fait au niveau des jonctions entre les neurones en favorisant la phase de remplissage de la vessie. Ses effets secondaires potentiels sont de la sédation, de l’agressivité, de la constipation, de l’hypotension ainsi qu’une augmentation de la fréquence cardiaque. 

Malgré tous les traitements médicaux disponibles, il est parfois impossible d’obtenir un bon contrôle de l’incontinence. De plus, certains cas qui répondaient bien au traitement au début peuvent avoir une rechute. Pour palier à ce problème, des alternatives ont été développées. Il existe, entre autre, une chirurgie appelée colposuspension qui consiste à déplacer le vagin et l’urètre vers l’avant de façon à ce que le col de la vessie soit situé dans l’abdomen plutôt que dans le canal pelvien. Les taux de continence rapportés à long terme varient de 13% à 53%. Toutefois, davantage de propriétaires rapportent une certaine amélioration des symptômes. 

Une autre procédure dont les résultats sont prometteurs consiste à épaissir la paroi de l’urètre en lui injectant du collagène entraînant ainsi une augmentation de la pression de fermeture de l’urètre. On y rapporte un taux de succès complet de 68% avec un 25% additionnel de propriétaires ayant remarqué une nette amélioration. 

En ce qui concerne les mâles souffrant de faiblesse du sphincter urétral, on peut utiliser les mêmes traitements médicaux mais ceux-ci sont moins efficaces que chez les femelles. En effet, une amélioration de seulement 44% est notée suite à l’administration de phénylpropanolamine. La testostérone, seule ou en combinaison avec la phénylpropanolamine, peut améliorer la continence mais elle doit être administrée en injection et est associée à des effets secondaires importants tels que de l’agression ainsi qu’une augmentation du volume de la prostate. Les oestrogènes sont aussi associés à des effets secondaires importants. 

Traitement de l'uretère ectopique
Pour ce qui est du traitement de l'uretère ectopique, il est chirurgical. Puisque plus de la moitié de tous les chiens traités chirurgicalement souffriront d’incontinence par la suite, il est important d’effectuer, au préalable, deux choses. La première consiste à mesurer le profil de pression urétrale. Cette procédure est utile pour prédire si le chien sera continent, continent avec de la médication, ou incontinent suite à la chirurgie. L’échographie abdominale est l’autre procédure importante à faire avant la chirurgie afin d’évaluer l’architecture des reins puisqu’il n’est pas rare que les chiens souffrant d’uretère ectopique souffrent également d’hydronéphrose (refoulement d’urine dans le rein) accompagnée ou non de perte de fonction rénale. Dans le cas où celle-ci est perdue, le rein affecté devrait être enlevé. 

Traitement de l'instabilité du muscle détruseur
Le traitement se fait à l’aide de médicaments agissant sur le système nerveux. 

Traitement du malpositionnement de la vessie
On peut tenter un traitement avec de la phénylpropanolamine mais il est peu probable qu’une résolution complète des symptômes soit obtenue. Lorsque le traitement médical est insatisfaisant, on peut avoir recours à la colposuspension. 

Traitement des fistules urovaginales et urorectales
Le traitement des deux conditions est chirurgical. 



Dre Isabelle Lacombe M.V. 

RÉFÉRENCE : 
Acierno, M.J. et Labato, M.A. Canine Incontinence. Compendium : Continuing Education for Veterinarians. Août 2006, p.591-598.